27ème Dimanche Année C
« Augmente en nous la foi ! »
« Augmente en nous la foi ! »
La traduction encore plus proche si l’on suit le grec au plus près serait « Rajoute nous de la foi ! ».
Pourquoi les apôtres demandent-ils une augmentation de leur foi ?
La finalité de la foi : Dieu
Quel est le bien que nous procure la foi ? L’objet de la foi c'est Dieu, le but de la foi c'est Dieu.
Dieu est amour et nous savons que nous avons été créés pour cet amour, pour ce bonheur d'être en communion avec le Seigneur. Les apôtres demandent donc à connaître de façon plus plénière la Béatitude promise.
« Augmente en nous la foi ! » signifie donc : « Que notre confiance en Toi, Seigneur, soit totale et plénière, que notre paix soit Ta présence en nous ».
Comment pourrions définir la foi ?
La croyance n’est pas la foi mais une construction intellectuelle personnelle :
Lorsque nous, prêtres, préparons soit des obsèques soit des mariages, un mot est souvent prononcé : « ma croyance » ou « notre croyance ». Existe-t-il une différence entre la croyance et la foi ?
La croyance est une construction personnelle avec nos raisonnements, notre raison.
La foi est pour sa part un don de Dieu.
- Après mai 68, dans les paroisses, l’habitude avait été prise pour les Professions de foi de demander aux jeunes lors de la retraite spirituelle d’écrire leur credo personnel. Le résultat était bien pauvre : nous n’avions rien compris à la Sainte Trinité, rien à l'Incarnation, rien à la grâce.
Il nous était demandé en fait non pas de recevoir la foi comme un don mais de bâtir notre propre croyance. Le résultat est patent : les églises sont vides.
- Sur un autre plan, on ne peut pas dire
en terme chrétien que les musulmans ont la foi ils ont une croyance : Mahomet a bâti une croyance en opposition à la foi judéo-chrétienne sur des points importants. Un musulman n’a donc pas accès à la Trinité, c’est-à-dire à la connaissance de la vie intime de Dieu, à l’extraordinaire humilité d’un Dieu qui se fait homme, à la contemplation de l’action du Saint-Esprit dans l’âme (la grâce).
La foi est un ensemble de vérités une doctrine, mais n’est pas que cela.
Au premier chrétien venu, il vient à l’esprit que la foi est un ensemble de vérités, une doctrine à peu près équilibrée issue d’une Révélation divine : en résumé le Symbole des Apôtres serait la foi.
Ce point de vue n’est pas tout à fait faux : il n
ous faut bien des textes résumant l’essentiel de notre foi et c’est bien ce que Saint Paul nous dit dans la 2nde lecture lorsqu’il nous parle du « dépôt de la foi », mais il est par trop nette qu’un tel regard sur la foi la laisse trop à l’état d’être un écrit et non une réalité vivante et en croissance en l’homme.
La foi est une vertu, un don de Dieu qui se grave ontologiquement dans notre âme : la notion théologique d’habitus.
Dieu inscrit dans tous ceux qui sont baptisés et tous ceux qui reçoivent la grâce sanctifiante dans leur âme une marque ontologique : le don de la foi.
Je voudrai m’appuyer sur une simple comparaison
médicale : vous savez ce qu’est un implant médical. Il existe des implants cochléaires pour les oreilles qui redonnent toute ou partie de l’ouïe ; des implants dentaires ; des implants tropiques (c’est-à-dire qui permettent de remplacer un cristallin devenu opaque et de retrouver ainsi une bonne partie de la vue).
Et bien la foi est comparable à un implant mais non pas dans le corps – comme pour les implants médicaux - mais dans l’âme et dans ses facultés (appelées aussi puissances). La foi est un implant que Dieu greffe sur notre faculté d’intelligence. En terme de théologie on parle d’un habitus, c’est-à-dire une disposition stable inscrite dans une faculté de l’âme (les vertus de charité et d’espérance s’inscrivent quant à elles dans la faculté de volonté). Il en est de même pour les quatre vertus cardinales qui sont implantées par la grâce baptismale et sanctifiante dans d’autres facultés de l’âme.
Un jeune baptisé ne peut donc pas dire : « je n’ai pas reçu la foi », il peut dire « je n’utilise pas la foi qui m’a été donnée » ou « je n’ai pas développé et formé la foi qui m’a été donnée ».
Un exemple simple : il y a 2 mois, je marchais entre Vézelay et Autun. A l’occasion d’une conversation, un jeune entend que je suis prêtre : il s’adresse alors à m
oi face à son cousin et me dit : « il est baptisé mais il n’a pas la foi ». Il avait bien reçu la foi au baptême -comme un implant dans son âme (l’habitus donné par Dieu) - mais l’absence de catéchisme, les ténèbres actuelles de la société avait comme recouvert son habitus et n’avait pas permis son développement et son intensification de la foi. Il avait pu aussi perdre cette foi en cas de rejet délibéré et conscient du Christ.
Différences entre un implant médical et l’implant de la foi :
L’implant médical est opérationnel immédiatement et le corps ne peut pas ne pas l’utiliser (le sourd retrouve l’audition, le mal-voyant la vue etc… ), alors que Dieu nous laisse libre d’utiliser ou non ces trois habitus de foi d'espérance et de charité. Dieu nous équipe mais nous laisse l’assentiment à donner ; c’est cet assentiment qui p
ermet le développement de la foi reçue. Paul nous parle de cet équipement en des termes militaires :
Ephésiens 6-15-17 : « mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu» .
Dieu surélève la faculté d’intelligence de notre âme mais il se peut que nous remisions l’habitus au placard ou que nous le perdions en cas d’apostasie : on peut ainsi ne pas développer la vertu de foi, Dieu nous laisse libre sur ce point. Nous ne sommes pas pour lui des exosquelettes télécommandés ni des marionnettes qu’Il manipulerait. Il nous laisse libre d’utiliser ou non l'équipement et de développer la foi, l'espérance et la charité. Cet équipement, cet implant nous pouvons donc le perdre ou l’utiliser.
L’apport de l’habitus de foi :
Qu'est-ce que nous apporte la foi ? Je me souviens d'une belle interview du cardinal Ratzinger alors futur pape Benoît XVI. Il lui était demandé : « Avez-vous fait de grandes expériences spirituelles dans votre vie ? ». Le futur Benoît XVI avec son humilité habituelle avait répondu : « Non, mais j'ai reçu de grandes lumières sur Dieu ». Voilà bien l’utilité de cet habitus de foi, de cet implant sur l
a faculté d’intelligence : la lumière sur les choses de la foi.
La vertu de foi nous permet de méditer et de contempler des mystères qui dépassent les capacités de la raison et de l’intelligence humaine : contempler l’Unité Trinitaire, méditer sur Jésus qui s'est fait homme (un Dieu qui vient vivre dans la même condition humaine que nous et au milieu de nous !) ; qui permet de méditer sur l'Esprit Saint donné pour enrichir nos âmes de sa présence et de ses dons.
L’habitus de foi nous permet donc d’avoir de grandes lumières, de saisir, de comprendre à chaque fois un peu mieux les abîmes d’amour trinitaire, du Christ et de l’Esprit-Saint.
Un autre exemple plus simple, plus humble : dans un petit village, une personne s’était confiée à moi juste après avoir reçu le pardon de ses fautes et m’avait confiée avec un tel ton d’humilité et un tel accent local que je ne peux mettre en doute la sincérité de cette personne. Elle m’avait dit à voix basse : « Je crois, un jour, avoir vu la Vierge Marie ». Cette brave paysanne avait peut-être eu une lumière intérieure par cet habitus de foi.
La foi : une lumière intérieure qui surélèv
e notre intelligence.
La vertu de foi est donc une capacité à percevoir la lumière divine : « Lumière née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu ».
La foi illumine notre être intérieur et tout devient différent : chaque dimanche est consacré dans et par mes mains sacerdotales un conglomérat de farine et d'eau (que nous appelons hostie) et du raisin pressé et fermenté (que nous appelons vin). La foi nous permet de ne plus y voir du pain, mais par une lumière intérieure de savoir qu’il s’agit de Jésus crucifié sur la Croix. En termes théologiques : nous ne voyons pas que le signe (l’hostie de pain/ le vin), mais il nous est donné de voir le signifié : Jésus crucifié. Le signe c'est le morceau de pain – le vin du calice, le signifié c’est Jésus se donnant Corps et Sang pour nous.
Ceux qui n’ont pas ou n’utilisent pas la vertu (l’habitus) de foi en resteront aux apparences extérieures, ceux qui ont intensifié le don de foi s’émerveill
eront de la présence divine et se réjouiront que Dieu ait pu changer les substances du pain et du vin en Corps et Sang du Christ.
Ces habitus ne sont pas des gadgets technologiques n’ayant pour fonction que de rétablir une nature humaine affaiblie et malade, mais ce sont des réalités ontologiques spirituelles : ils nous qualifient, nous élèvent, et nous proportionnent pour la vie divine, la vie surnaturelle (qui est au-dessus des capacités de notre nature humaine.
Que fait naître la foi ? la confiance, l’intelligence des mystères divins et la prière :
La foi engendre une confiance en toute chose malgré nos erreurs et petits péchés et malgré notre mort corporelle : nous pouvons ainsi être assuré de la vie éternelle.
La foi engendre une perception plus profonde des mystères divins.
La foi fait naître la prière c'est-à-dire la relation à Dieu assurée et ferme.
La foi est comme une source qui laisse couler son eau et cette eau vive c’est la prière. Il est possible de ne pas utiliser l'habitus de foi, et même de le perdre en obstruant ou saccageant la source de la vie divine en nous et de faire que l'eau ne coule plus en nous, pourtant l'eau est toujours là cachée, plus profondément peut-être mais un simple assentiment à la miséricorde divine et elle rejaillit. Dieu retrouve son droit d’accéder à notre intériorité, d’irriguer et de redonner vie à notre âme.
Amen.