29ème Dimanche Année C
« Priez sans vous lasser » :
le double fruit de notre prière.
En ce 29ème dimanche, l'Église nous propose de méditer sur notre vie de prière avec l’Evangile de la veuve importune qui finit par obtenir raison d’un juge à qui elle a cassé les oreilles pour obtenir justice dans une affaire. Jésus nous invite à la fin de cette parabole de "prier sans nous lasser".
Nous devons nous poser à partir de cette parabole une question :
Pouvons-nous par notre prière faire pression psychologique sur Dieu ?
Nous avons souvent l'habitude dans nos relations humaines de faire pression les uns sur les autres : un enfant par exemple peut insister et faire pression sur son père ou sa mère afin d’obtenir ce qu’il désire (une console de jeu, un Smartphone, des vêtements de marque). Ces parents peuvent finir par céder à la prière, à la demande de leur enfant.
Pouvons-nous de façon similaire faire plier Dieu ? Et Jésus par cette parabole veut-t-il nous faire comprendre qu’à force d’ennuyer Dieu, Il finirait par céder à nos demandes ? En un mot : pouvons-nous faire pression psychologique sur Dieu ? Ce que la veuve est parvenu à opérer sur le juge dans l’Evangile, est-il également vrai dans notre relation avec le Seigneur et par notre prière ?
Il est évident que non.
La prière n'a pas pour but de changer la volonté de Dieu ; la prière n'a pas non plus pour but de faire entrer des vues strictement humaines dans la pensée du Seigneur mais elle a pour but :
de nous préparer à accueillir Sa volonté,
et éventuellement que Dieu puisse alors nous permettre de participer comme instrument de Sa volonté pour coopérer à faire le bien.
3 Conceptions erronées de la prière :
3 erreurs que nous pouvons faire concernant la prière :
1ère erreur : croire que la prière est inutile car les affaires humaines ne dépendraient pas –ou plus - de la volonté de Dieu, de Sa providence.
Dieu aurait simplement créé le monde par une chiquenaude et le laisserait aller sans s’en soucier.
2ème erreur : penser que l'homme devrait vivre dans une attitude spirituelle de fatalisme face à la volonté de Dieu. « C'est ton destin », « Mektoub ».
Ce n’est pas seulement un sketch des Inconnus mais c’est aussi ce que disait - des siècles durant - la théologie musulmane. Cette théologie musulmane fut appelée occasionnalisme car, voulant préserver l’absolu transcendance de Dieu, l’homme ne pourrait en aucun cas participer par ses actes et sa prière au bien qui se fait. Ainsi Dieu serait cause unique de tout et l’homme n’aurait aucune participation au bien que Dieu veut produire : Dieu recréerait donc le monde à chaque instant, ceci pour bien montrer que l’homme n’a aucune part, aucune responsabilité dans ce qui survient. La prière musulmane n’est donc pas une participation à la volonté de Dieu mais un simple honneur rendu, une soumission due à Dieu (Islam signifie soumission). La prière serait inutile car tout se produit de façon nécessaire : prier ce n’est pas entrer en relation pour accueillir et participer à la Providence mais c’est subir : Mektoub : c’est ton destin !
3ème erreur : croire que Dieu varie dans ses décisions et qu'on pourrait donc le faire plier. Il serait possible de changer les plans de Dieu, Sa Providence.
Or justement Dieu ne varie pas dans ses décisions et, dans le cas de notre veuve importune qui casse les oreilles du juge, la volonté de Dieu était que la justice soit rendue à cette veuve : Il inspirait donc Lui-même à cette femme sa prière. Cette veuve se préparait ainsi à recevoir ce qui lui était dû et Dieu l'a également utilisée comme instrument pour que le juge lui rende la justice qu’Il voulait accorder.
La prière authentique est-elle une activité de notre faculté de volonté ou de notre faculté d’intelligence ?
Comprenons bien : la prière authentique n'est pas une activité de notre faculté de volonté, mais de notre faculté d’intelligence et de notre raison (prière = o-raison !). Beaucoup de fidèles croient pouvoir faire plier Dieu au moyen de prières : ils épuisent leurs âmes en insistant indéfiniment alors que Dieu n'a peut-être pas l’intention de les exaucer.
J'aime cette histoire toute simple qui m'avait été racontée d'une petite fille qui dit à tous ce qu'elle a demandé à Dieu dans sa prière et dont elle attend la réponse. Trois semaines plus tard une personne, constatant que la petite fille n'avait pas obtenu ce qu'elle avait demandé dans la prière, s'approche d'elle et lui demande : « Alors Dieu a répondu à ta prière ? » Réponse simple et intelligente de l’enfant : « Oui, il m'a dit non. ».
Prier c'est donc entrer dans la volonté de Dieu, et non faire entrer Dieu dans notre volonté.
Le temps de Dieu pour exaucer.
Pourtant, lorsque nous entrons par notre prière dans la volonté de Dieu, Celui-ci met parfois beaucoup de temps à nous exaucer. Ce temps lui sert notamment à sanctifier l’âme du demandeur.
Regardons le cas de Sainte Monique - la mère de de Saint-Augustin qui est très intéressant - :
Augustin - né entre les actuels Algérie et Tunisie alors presque totalement chrétiennes-, n'avait pas été baptisé lorsqu'il était enfant, n'avait pas fait de catéchisme, n'était donc pas chrétien. Il avait pris une concubine avec qui il avait eu un enfant qui s'appelait Théodate (mort à 14 ans) et était également membre d'une secte (les manichéens).
Monique, très pieuse, priait à chaudes larmes pour la conversion de son fils en utilisant plus sa volonté que son intelligence (faut-il noter que, femme maghrébine, elle avait une personnalité un peu envahissante, suivant son fils et souhaitant sans cesse le surveiller). Saint-Augustin supportait difficilement d'avoir cette surveillance maternelle ressentant comme une pression toutes ces prières : il souhaitait quitter le Maghreb et étudier à Rome. Monique le refusait.
Comment donc se débarrasser de sa mère ?
Augustin va lui proposer d'aller prier sur une plage où une chapelle était dédiée à Saint-Cyprien. Monique toute heureuse de cette proposition le suit et arrivée à la chapelle, se met à genoux s’immergeant dans la prière. Augustin, au bout d'une minute, lui dit « Je te laisse prier, je vais me promener sur la plage ». Augustin avait, en fait, donné rendez-vous à un de ses amis qui, venu en barque, l'emmène au large sur un bateau en partance pour Rome. On imagine Monique découvrant le stratagème et les larmes supplémentaires qu’elle verse…. La mer Méditerranée les sépare maintenant.
Augustin finira par se convertir au contact de Saint-Ambroise archevêque de Milan et sa mère vivra la fin de sa vie dans une paix intérieure et une communion spirituelle profonde avec son fils.
Notons que Dieu a obtenu 2 choses :
- la conversion de Saint-Augustin
- mais également une conversion plus profonde de Monique qui, par sa patiente prière, est devenue moins possessive, a élargi son cœur à la Providence divine et au temps de Dieu.
Tout cela montre que la prière produit des fruits divers et variés tant chez le demandeur (ici Monique), que chez le bénéficiaire direct (Augustin qui deviendra l’évêque et l’orateur chrétien que nous écoutons et lisons encore aujourd’hui).
Nous entrons donc dans les vues de Dieu non seulement par rapport à ce que nous demandons, mais également par rapport à nous-mêmes.
La veuve et le juge sont entrés dans les vues de Dieu :
- la veuve a été sanctifiée par sa patience et sa ténacité.
- Le juge est entré dans les vues de justice de Dieu.
Nous comprenons donc l'utilité de prier et le fruit de la prière tant pour les autres que pour nous-mêmes.